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39-45 Stratégie > Articles historiques > Pages d'Histoire > Bataille de l'Atlantique >

Sommaire

Créé le : 9/4/2005
Auteur : Zeedap


"39-45 Stratégie" vous propose pour enrichir vos connaissances et ne pas laisser tomber dans l'oubli de nombreux documents écrits au lendemain de la seconde guerre mondiale, de découvrir ou redécouvrir les aspects de différentes batailles ou évènement de ce second conflit mondial tel qu'il furent présentés par l'ouvrage «Mémorial de la seconde guerre mondiale aux éditions « Sélections du Reader’s Digest » à la fin des années soixante. Tous ces textes et images ont été retranscrits et numérisé grâce au concours d'un de nos lecteur, connu sous le pseudo d'Albanovic.

 

La Bataille de l'Atlantique

 

 
 


(Historia Magazine n° 53
du 21 novembre 1968)

   

SOMMAIRE

Le sujet étant extrêmement vaste, l'article a été scindé en trois parties séparées que vous pourrez atteindre à l'aide du sommaire ci-dessous

1. La protection des routes maritimes

2. Triomphe des U-boote

3. Histoires d'U-boote (torpillage du Laconia et attaque de Scapa Flow)

4. Annexes (les escorteurs, avions engagé, sonar, chronologie)
 

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PARTIE 2 :

 

2. Triomphe des U-Boote

Auteur : Le Dr. Jürgen ROHWER est né en 1924. Il a servi pendant la deuxième guerre mondiale en qualité d'officier de la Kriegsmarine à bord de destroyers, de sous-marins et de petites unités. Depuis 1959, il dirige la Bibliothèque d'histoire contemporaine de Stuttgart.

 

Pour les équipages des sous-marins allemands, la fin arriva avec une rapidité déconcertante, mais qui n’était peut être pas imprévisible. L’équipement des « U-boote » en nouvelles armes offensives ne réussit pas en effet, à soutenir le rythme de production des moyens défensifs des marines alliées, qui recevaient enfin le matériel indispensable a la protection des convois.
 

 

C'est au début de 1943 que la section B », le service allemand d'écoute radio, réussit à déchiffrer le code naval dont se servaient les Alliés pour communiquer avec leurs convois qui traversaient l'Atlantique. Le commandement allemand mit rapidement cette connaissance à profit. Entre autres messages interceptés et décodés se trouvaient des directives destinées à deux convois partis de New York quelques jours plus tôt, directives qui leur enjoignaient de modifier leur cap pour emprunter une route plus méridionale ; ils contourneraient ainsi une concentration d'U-boote qui avait été repérée sur le trajet initialement prévu.

 

L'amiral Doenitz, qui, en sa qualité de Befehlshaber der Unterseeboote (B.d.U.), avait le commandement des opérations de sous-marins, ordonna aussitôt aux submersibles concernés de se porter au sud pour intercepter le premier convoi, le SC-122, sur la nouvelle route que celui-ci devait prendre d'après la « section B ». Ces U-boote se trouvaient au nombre de douze, et constituaient le groupe Raubgraf.

 

 

A la recherche d'un convoi fantôme

Doenitz disposait également, leur plein de carburant fait et en alerte, de nombreux autres sous-marins récemment retirés des opérations contre des convois qui avaient atteint une zone de sécurité relative à l'est de l'Atlantique. Quatorze d'entre eux formèrent le groupe Stürmer, que renforcèrent quatre autres U-boote tout juste sortis des ports de la côte occidentale française. Neuf submersibles constituèrent le groupe Drânger, auquel se joignirent deux bâtiments supplémentaires, également venus de France. L'ensemble de ces forces alla se ranger sur une ligne nord-sud qui coïncidait avec la limite extrême du rayon d'action des avions alliés patrouillant depuis l'Irlande et l'Islande. Une fois en formation, les U-boote reçurent l'ordre de faire route vers les États-Unis; Doenitz espérait qu'ils rencontreraient ainsi le HX-229, second convoi localisé par la « section B ».


 
 
Le commandant d’un U-boot vérifie l’assiette de son bâtiment pendant que celui-ci remonte a l’immersion périscopique.
  Cependant, au nord, le temps était si mauvais que le groupe Raubgraf subit un certain retard. Lorsqu'il atteignit la route présumée du SC-122, l'océan était vide à perte de vue. Par un vent de force 10 qui écrêtait les vagues en une sorte d'embrun presque impénétrable, et avec une visibilité réduite à un maximum de cinq cents mètres, les U-boote poursuivirent leurs recherches. Dans la soirée du 15 mars, il sembla que la chance était avec eux : l'U-91 aperçut un destroyer faisant route à l'est, et les sous-marins s'approchèrent. Puis, comme rien d'autre ne se montrait, le groupe Raubgraf se scinda en deux. Quatre submersibles reçurent l'ordre de fouiller le secteur, tandis que les autres se déplaçaient à l'est pour ne pas rester en arrière au cas où le convoi se serait échappé sans avoir été repéré. Mais le destroyer, semblait-il, n'escortait qu'un convoi fantôme et les recherches demeurèrent infructueuses.

Pourtant, la chance était toujours du côté des Allemands. Un sous-marin solitaire, l'U-653, rentrait péniblement à sa base avec un moteur hors service lorsqu'il se trouva soudain naviguant au beau milieu d'un grand convoi de 38 navires, dont 9 pétroliers, disposés sur onze colonnes. Il décrocha rapidement, tout en gardant le contact, et alerta le B.d.U.

 

Un immense nuage de fumée et de flammes

Doenitz transmit immédiatement le renseignement à sa flotte et envoya le groupe Raubgraf — renforcé de deux bâtiments qui venaient de mazouter en pleine mer, grâce à un sous-marin ravitailleur, et des onze submersibles les plus au sud du groupe Stürmer — rejoindre et poursuivre le convoi aperçu. A ce moment, l'amiral croyait encore qu'il s'agissait du SC-122. En fait, c'était le HX-229, plus rapide. Quand la « section B », toujours écoutant et décodant les signaux alliés, annonça que le HX-229 mettait le cap au nord, Doenitz chargea les sept sous-marins restants du groupe Stürmer et les onze du Drânger de l'intercepter. En réalité l'interprétation des messages par la section B » était erronée, et ce fut au groupe Raubgraf d'exécuter l'attaque.

Les U-boote approchèrent par tribord. Seuls, quatre destroyers d'escorte protégeaient les onze colonnes du convoi. Les submersibles réussirent donc à s'infiltrer entre les maigres défenses des navires marchands.

L'U-603 frappa le premier. A 22 heures, son commandant, le lieutenant de vaisseau Bertelsmann, lança trois torpilles F.A.T. de surface et une torpille électrique normale. Les F.A.T. traversèrent le convoi selon une trajectoire sinueuse établie à l'avance. L'une d'elles heurta le cargo norvégien Elin K, qui se trouvait en tête de la deuxième colonne et qui coula en quelques minutes. Particulièrement satisfait, l'équipage de l'U-603 entendit une seconde détonation, mais ce n'était, cette fois, que la simple explosion d'une torpille parvenue au bout de sa course. Une heure et demie plus tard, l'U-758, qui se déplaçait parallèlement au convoi, lança à tribord deux F.A.T. et deux torpilles électriques. Une toucha le vapeur hollandais Zaanland, une autre le vapeur américain James Oglethorpe. Les deux navires s'immobilisèrent. Aussitôt, les escorteurs lancèrent des grenades sous-marines pour écarter le submersible, et le trop optimiste capitaine de corvette Manseck considéra leur explosion comme des coups au but portés à deux autres bâtiments.

Les dégâts provoqués par ces premières attaques suffirent à occuper presque tous les escorteurs. Tous, sauf un, culèrent pour repêcher les survivants. Il ne restait donc plus qu'un unique destroyer pour assurer la protection des navires marchands. Ce bâtiment ne pouvait rien faire d'autre que de croiser de long en large devant le convoi ce qui laissait les flancs de celui-ci à découvert. L'U-435, sous-marin qui s'était particulièrement distingué dans la mer de Barents en 1942, attaqua à bâbord, c'est-à-dire sur un des deux flancs qui n'étaient pas protégés : ses deux premières F.A.T. touchèrent le vapeur américain William Eustis, qui s'immobilisa. Un escorteur recueillit l'équipage et tenta de couler le submersible avec des grenades sous-marines, mais n'y parvint pas et dut se replier à 3 heures.

A 2 h 30, l'U-435, après avoir regarni ses tubes lance-torpilles avant, s'était remis en position de tir sur le flanc bâbord du convoi ; il lança quatre torpilles (deux F.A.T. et deux E à allumage par magnéto). Un long moment plus tard, son commandant, le capitaine de corvette Strelow, entendit quatre détonations qu'il prit pour des coups au but sur plusieurs bâtiments. En réalité, il s'agissait des deux torpilles tirées à bout portant par l'U-91 sur le navire de tête de la colonne de tribord, le cargo américain Harry Luckenbach. Un immense nuage de fumée et de flammes s'éleva aussitôt de ce dernier, qui coula quatre minutes plus tard. Les escorteurs s'efforcèrent alors de prévenir de nouvelles attaques en employant des grenades sous-marines, mais ils n'avaient pas repéré avec assez de précision les submersibles allemands, qui ne subirent pas le moindre dommage.

 

L'U-616 — qui essayait depuis plus d'une heure de se faufiler dans le convoi par l'avant, malgré le destroyer de tête — se trouva tout à coup en face de celui-ci. Sans hésiter, le lieutenant de vaisseau Koitschka fit tirer une salve de quatre torpilles. La cible était si proche qu'il semblait impossible de la manquer, mais au dernier moment le destroyer changea de cap et les dangereux projectiles poursuivirent leur course sans le toucher.

Le capitaine de corvette Zurmühlen, avec son U-600, eut plus de chance. Il lança par tribord avant cinq F.A.T. sur le convoi, sans être vu. La première fit mouche sur le vapeur britannique Nariva, deux autres sur l'Irene Du Pont (navire américain) et une quatrième sur le Southern Princess, qui prit feu.

Le dernier U-boot du groupe Raubgraf (, l'U-228, entra dans la bataille à 5 h 34, ce matin-là, mais il se trouvait trop loin et ses trois torpilles ratèrent leur objectif.

 


 

Attaque en surface : une torpille allemande vient d’atteindre un navire marchand isolé

 

 

 

Le coup du hasard

Dans la nuit du 16 au 17, les onze sous-marins du groupe Stürmer qui naviguaient à la rencontre du convoi signalé, le HX-229, tombèrent par hasard sur le SC-122. Ce dernier disposait d'une escorte beaucoup plus importante et, vers minuit, les radiogoniomètres HF/DF (High-Frequency/Direction Finder) relevèrent des signaux qui indiquaient que six submersibles au moins se trouvaient à moins de 20 milles. La défense était donc en alerte lorsque les U-boote passèrent à l'attaque et elle réussit à les repousser presque tous avant qu'ils eussent pu lancer leurs torpilles. Seul, l'U-338 (capitaine de corvette Kinzel) réussit à s'approcher et à lancer deux bordées de deux torpilles chacune exactement en face de la septième colonne. Après la première bordée, Kinzel entendit deux explosions et vit un énorme nuage de fumée s'élever d'un bateau qui donnait de plus en plus de la bande au fur et à mesure que l'incendie se développait. En réalité, Kinzel avait touché non pas un seul bâtiment, mais deux : le Kinsbury et le King Gruffydd, qui le suivait. Ces deux navires coulèrent d'ailleurs en moins d'une heure. La seconde bordée vint frapper le bateau hollandais Alderamin qui, avec ses quatre mâts, constituait une cible facile. Kinzel fit faire demi-tour à l'U-338, puis tira une nouvelle torpille, par l'arrière cette fois, sur le Glenapp, bâtiment du chef du convoi. L'engin passa sous le Glenapp, traversa les neuvième, dixième et onzième colonnes et alla toucher, enfin, le Fort Cedar Lake. Cette affaire fut une des rares où un commandant d'U-boot sous-estima son succès : au lieu des deux navires qu'il pensait avoir coulés, Kinzel en avait, en réalité, torpillé quatre.

D'après les messages radio émis par les U-boote, leur commandant en chef se rendit compte, le 17 mars au matin, qu'ils avaient rencontré les deux convois et que le SC-122 naviguait maintenant à 120 milles devant le HX-229. Doenitz envisagea d'abord d'envoyer les six bâtiments les plus au nord du groupe Stürmer et le groupe Drânger, qui se trouvait en bonne position, attaquer le SC-122. Mais le mauvais temps persistait et les U-boote avaient le plus grand mal à tenir correctement leur estime, si bien que les rapports qu'ils envoyaient sur leurs positions respectives variaient considérablement de l'un à l'autre. Comment savoir avec certitude si, dans ces conditions, ils parviendraient à trouver la proie qui naviguait fort loin d'eux? Il y avait peu de chances qu'ils pussent tomber sur un convoi bien déterminé et Doenitz les autorisa finalement à opérer contre les deux. L'affaire promettait d'être un succès. Quelque vingt-neuf U-boote s'avanceraient pour prendre leurs postes d'attaque avant la nuit, tandis que ceux du groupe Raubgraf, encore que certains aient été durement touchés, se chargeraient de renseigner les autres sur la marche des navires alliés.

 
Mais, le 17 mars au matin, le SC-122 était entré dans la zone d'action des avions basés en Islande et tous les sous-marins sauf un se virent forcés, soit par les destroyers, soit par l'aviation, de plonger ou de se replier sur l'arrière de ce convoi. Une fois encore, ce fut Kinzel, et lui seul, qui réussit à passer à l'attaque. A 13 h 52, il tira presque à la file quatre torpilles dont la première toucha le vapeur panamien Gran-ville, qui coula en moins d'une demi-heure. Il y eut trois autres explosions mais il s'avéra qu'il ne s'agissait que de grenades sous-marines lancées par les escorteurs. L'attaque matinale contre le HX-229 se montra plus payante. Après les dégâts qu'il avait subis au cours de la nuit, le convoi n'avait pas encore reformé ses rangs et la plupart de ses escorteurs (ils n'étaient que cinq à l'origine) étaient restés en arrière pour repêcher les survivants.

A 7 h 39, l'U-91, qui suivait le HX-229, rencontra le James Oglethorpe qui, avec son capitaine et un équipage réduit, était reparti et se portait, tant bien que mal, à l'aide du William Eustis. Trois torpilles suffirent au sous-marin pour couler les deux navires.

 

 
 
Carte des itinéraires empruntés par les forces sous-marines et les corsaires allemands.

L'U-616, lui aussi depuis l'arrière du convoi, lança une torpille sur un escorteur, mais le manqua. Une heure et demie plus tard, son adresse ne s'était pas améliorée et il ratait un second bâtiment.

 

A la curée

D'autres U-boote arrivaient à présent à la curée. L'U-665, du groupe Stürmer, lança une couple de torpilles sur un cargo mais il s'agissait peut-être là de coups superflus tirés sur le Fort Cedar Lake, du convoi SC-I22, déjà endommagé par Kinzel, la nuit précédente, et qui se traînait maintenant dans les eaux où le HX-229 était passé. Peu après 13 heures, les U-384 et U-631 attaquèrent par tribord avant et tribord arrière. Une des trois torpilles de l’U-384 toucha le cargo britannique Coracero, et l’U-631 fit mouche sur le Terkoelei (cargo hollandais), qui se trouvait à la queue de la colonne tribord. L'U-384 revendiqua d'ailleurs les trois explosions et rendit compte de trois coups au but. Quoi qu'il en soit, le Terkoelei coula immédiatement, et le Coracero trois heures plus tard.

 

L'U-91, après avoir envoyé par le fond les deux bâtiments déjà endommagés (le William Eustis et le James Oglethorpe), continua de suivre le sillage du convoi et, peu après 15 heures, rejoignit deux autres bateaux en dérive. Sur les trois navires torpillés dans la nuit par l'U-600, le Southern Princess avait chaviré à 10 h 30 c'est-à-dire avant le départ, à 12 h 30, du dernier escorteur. Les deux bâtiments en question devaient donc être l'Irène Du Pont et le Nariva; le capitaine de corvette Walkerling les envoya aussitôt par le fond.

A 16 h 30, la couverture aérienne du HX-229 arriva, et l'U-600 — à ce moment-là, le seul sous-marin allemand dans le secteur — se vit obligé de plonger. Dès lors le contact était rompu : en effet six U-boote commençaient d'être à court de carburant et durent mettre le cap sur leur sous-marin ravitailleur; quatre autres avaient utilisé toutes leurs torpilles ou s'étaient tellement attardés qu'il leur fallut renoncer à la poursuite.


 
 
l'U-177, sous-marin de type IXD-2, en navigation de surface
  En ce qui concernait le SC-122, au contraire, les sous-marins gardèrent le contact et, dès la tombée de la nuit, l'U-305 (capitaine de corvette Bahr) attaqua par tribord avant et lança deux bordées de deux torpilles à grande distance, mais la dernière resta dans le tube par suite d'un incident mécanique. Les deux premières touchèrent le Port Auckland et le Zouave, qui s'abîma en moins de cinq minutes. La troisième parut atteindre le Port Auckland, déjà en flammes. Immédiatement après, un destroyer contraignit l'U-305 à plonger. Quand il refit surface, à 23 h 41, l'épave du Port Auckland était toute proche, dérivant par le travers des vagues. Une seule torpille, tirée à bout portant par le tube arrière du sous-marin, explosa dans la salle des machines. Un énorme nuage de fumée noire s'éleva à près de deux cents mètres dans le ciel nocturne. Mais le Port Auckland flottait toujours, et Bahr le suivit deux heures durant, tandis que le temps fraîchissait. Finalement, l'U-338 arriva à la rescousse et lança une torpille sur l'épave. Mais avant même qu'elle l'eût atteint, le Port Auckland, durement secoué par les vagues que grossissait un vent de force 7 ou 8, se brisa soudain et sombra.

 

Dans la nuit, le ciel se dégagea et, avec le clair de lune, les sous-marins jugèrent prudent d'arrêter leurs opérations. Le lendemain, 18 mars, les conditions météorologiques continuèrent à s'améliorer avec un vent de force 6 et une visibilité normale jusqu'à 5 Km, sauf pendant les chutes de neige, d'ailleurs fréquentes. La couverture aérienne des deux convois arriva dans la matinée tandis qu'à proximité du SC-122 les escorteurs repéraient plusieurs U-boote, les attaquaient à la grenade sous-marine et les obligeaient à plonger.

 

Tels des requins

 

Le H X-229 était nettement moins bien protégé. A 15 h 52, se basant sur des rapports et des signaux radio reçus un peu plus tôt par d'autres sous-marins, le lieutenant de vaisseau Trojer, à bord de son U-221, perça les défenses du convoi en se faufilant adroitement en plongée et lança ses cinq torpilles, dont deux F.A.T. II y eut deux bâtiments touchés, chacun par deux torpilles : le cargo américain Walter O. Gresham et le précieux navire frigorifique britannique Canadian Star.
Dans la nuit du 18 au 19 mars, le convoi le plus rapide, c'est-à-dire le HX-229, s'était rapproché à tel point du SC- 122 qu'à eux deux ils ne formaient plus qu'une grande flottille. Pour les U-boote et leur commandant en chef, il devint de plus en plus difficile de les distinguer l'un de l'autre, et cela d'autant plus que les sous-marins travaillaient dans des conditions de navigation fort incertaines. Même avec le recul du temps, il est difficile de dire contre quel convoi opérait tel ou tel submersible à un moment donné.

 

A l'approche de la nuit, les avions regagnèrent leur base, et de nombreux U-boote revinrent au contact. Mais les destroyers alliés demeuraient sur le qui-vive et contre-attaquaient très vite à la grenade sous-marine tout ce qui rôdait alentour. C'est ainsi que sept submersibles durent interrompre leurs opérations et plonger. L'U-666 tira cinq torpilles, mais de trop loin et aucune n'atteignit son objectif. A 4 h 50, la même mésaventure arriva à l'U-441. Le capitaine de corvette Hartmann fit lancer l'une après l'autre cinq torpilles (3 F.A.T. et 2 E) contre le HX-229 et crut avoir atteint trois bâtiments, mais les explosions qu'il avait entendues et sur lesquelles il fondait cette conviction étaient en réalité celles de grenades sous-marines ou de torpilles arrivées en fin de course. A 5 h 6, l'U-608 (capitaine de corvette Stuckmeier) essaya de torpiller l'escorteur Highlander avec une triple salve. Cinq minutes et demie plus tard il y eut deux détonations, mais il ne s'agissait là encore que de l'explosion de torpilles parvenues en bout de course.

L'U-666 fut plus heureux lors de sa deuxième attaque sur le SC-122. A 5 h 41, il lança quatre torpilles à intervalles rapprochés. La première manqua son but, puis le lieutenant de vaisseau Stengel entendit trois explosions et vit jaillir des colonnes d'eau. En fait, un seul projectile avait fait mouche. Le navire touché, un cargo grec (le Carras), ne coula pas mais son équipage l'abandonna.

Doenitz avait eu l'intention de poursuivre les opérations jusqu'au matin du 20 mars, mais à l'aube du 19, une importante couverture aérienne apparut au-dessus des deux convois; du fait que ceux-ci se trouvaient maintenant à moins de six cents milles des bases d'Islande et d'Irlande du Nord, le nombre des avions disponibles avait considérablement augmenté.

Cela explique sans doute pourquoi, après la dernière attaque de l'U-666, le SC-122 put continuer sa route sans être autrement inquiété. Le temps s'était amélioré et un vent d'ouest de force 2 ainsi qu'une mer de force 2 favorisaient les opérations aériennes. De nombreux U-boote rendirent compte de bombardements aériens et sept d'entre eux, endommagés, se virent obligés de se replier. Durement touché, l'U-338 ne put que mettre le cap sur sa base. D'autres, sans cesse harcelés par les escorteurs, durent se replier.

 

 
 
L’ennemi n’est pas en vue. Des officiers d’un U-boot se détendent avant un nouvel engagement.
 

Un des sous-marins qui suivaient le convoi, l'U-527, aperçut, à 10 heures, un traînard — il s'agissait du cargo américain Mathew Luckenbach. Un navire isolé, et loin de la sécurité du convoi, constituait une cible de choix ; du reste, un commandant assez imprévoyant ou assez téméraire pour s'éloigner de la protection des destroyers, si faible fût-elle, devait bien évidemment s'attendre à tout. L'U-527 lança donc trois torpilles qui touchèrent le Mathew Luckenbach à l'arrière et l'immobilisèrent. Des escorteurs arrivèrent alors pour recueillir l'équipage, puis le cargo dériva encore une dizaine d'heures. Au moment même où le commandant de l'U-527 avait décidé de lui porter le coup de grâce, 1' U-523 s'approcha et coula ce qui n'était plus qu'une épave. Les U-boote ratissaient maintenant le sillage du convoi comme des requins, prêts à se jeter sur les navires touchés et abandonnés. L'U-333 était du nombre. A 21 h 28, il se trouva par le travers du Carras, qui flottait toujours, et l'envoya par le fond d'un seul coup bien ajusté.

 

   
   
 

 

Diagramme des pertes Alliées de Septembre 1939 à Décembre 1940.

 
   


Diagramme des navires coulés de 1941 à 1943 (en milliers de tonnes)

 

 

Une lourde addition

Mais tout n'allait pas au mieux pour les sous-marins. A neuf milles du convoi, un Liberator de la R.A.F., en patrouille d'escorte, engagea un combat singulier contre un submersible, probablement l'U-384. Ce fut le bombardier qui gagna.

Compte tenu des rapports reçus la veille et pendant la nuit, il devint évident pour Doenitz, le 20 mars au matin, qu'une nouvelle attaque n'avait aucune chance de succès. Le convoi naviguait maintenant très en deçà du rayon d'action des bombardiers de protection, et plus la matinée s'avançait plus les effectifs de la couverture aérienne augmentaient. Les U-boote reçurent donc l'ordre de rompre le contact et mettre le cap au sud-ouest. Tout ce qui leur restait permis, c'était de profiter de l'occasion, au cas où ils rencontreraient d'autres navires à la traîne ou déjà endommagés.

Seuls les U-631 et U-441 continuèrent la chasse et poursuivirent le convoi jusqu'au bout ; l'addition fut lourde : découverts, ils furent soumis à de sévères bombardements et subirent de graves avaries. Ils durent s'enfuir en toute hâte. La défense avait été trop forte pour eux. Désormais, sur la mer, tout était redevenu calme, pour la première fois depuis cinq jours.

Sur les 98 bâtiments partis de New York, 21, soit 140 842 tonnes, avaient été victimes des sous-marins. En outre, les deux convois précédents (les HK-228 et SC-121) avaient perdu 18 navires. Au total, cette fin de l'hiver 1942-1943 se soldait sans aucun doute par un succès pour la marine allemande. Les U-boote avaient envoyé par le fond 28 navires dans la dernière décade de février, 41 dans la première de mars et 44 dans la deuxième — ce qui représentait 695 608 tonnes au total. Les chiffres définitifs de mars promettaient d'être plus élevés encore que ceux de novembre 1942, qui avait détenu jusque-là le record du tonnage allié coulé, et, détail particulièrement significatif, les U-boote avaient, cette fois, remporté d'importants succès devant des bâtiments naviguant en convois — 67 sur les 85 coulés en mars, contre seulement 39 sur 139 en novembre précédent.

Le commandement allemand des sous-marins avait donc quelque raison de se réjouir. Sur les 39 U-boote en mission (dont il fallait toujours défalquer 6, en route vers la zone d'opérations ou en rentrant) on avait réussi à en amener 19 au contact des convois alliés et certains avaient même attaqué à plusieurs reprises. Bien qu'il fût clair que les meilleures occasions se présentaient toujours la première nuit, il n'en restait pas moins que nombre d'entre eux pouvaient, les nuits suivantes, et malgré une défense renforcée, mener avec succès des attaques en plongée. En outre, et c'était sans doute cela le plus encourageant, la campagne s'était soldée par la perte d'un unique sous-marin. A l'époque, tout militait donc en faveur d'une exploitation totale de la situation.

Avec le recul du temps, toutefois, on se rend compte que le commandement allemand avait surestimé les résultats obtenus. Si les U-boote avaient remporté tant de succès au cours de la première nuit, c'était surtout à cause de la faiblesse de l'escorte du HX-229 : quatre — et plus tard cinq — bâtiments dont un ou deux traînaient toujours pour récupérer les survivants. Dans ces conditions, il était impossible au convoi d'affronter victorieusement une série d'attaques rapprochées. La défense du SC-122 était beaucoup plus forte et réussit à repousser un nombre beaucoup plus considérable de sous-marins — presque tous, en fait, exception faite de l'U-338.

Les Alliés tirèrent rapidement la leçon de ces opérations. Dans les batailles qui suivirent, les convois, protégés par des destroyers supplémentaires détachés de la Home Fleet (bâtiments dont la gonio haute fréquence ainsi que le radar augmentaient l'efficacité) et disposant d'une couverture aérienne assurée à la fois par des bombardiers et des porte-avions, se révélèrent capables d'éviter les groupes d'U-boote ou de les traverser avec une relative impunité. Ce renforcement du dispositif défensif allait aboutir, huit semaines seulement après les revers subis par les HX-229 et SC-122, au tournant décisif de la bataille de l'Atlantique.

 

 

Retour triomphal a la base. Un U-boot se glisse dans l’une des grandes alvéoles en béton du port de Lorient sous les acclamations des marins allemands debout sur le quai.

 

 


 

 

suite dans l'article :

 

Histoires d'U-boote

 

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