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Sommaire

Créé le : 9/4/2005
Auteur : Zeedap


"39-45 Stratégie" vous propose pour enrichir vos connaissances et ne pas laisser tomber dans l'oubli de nombreux documents écrits au lendemain de la seconde guerre mondiale, de découvrir ou redécouvrir les aspects de différentes batailles ou évènement de ce second conflit mondial tel qu'il furent présentés par l'ouvrage «Mémorial de la seconde guerre mondiale aux éditions « Sélections du Reader’s Digest » à la fin des années soixante. Tous ces textes et images ont été retranscrits et numérisé grâce au concours d'un de nos lecteur, connu sous le pseudo d'Albanovic.

 

La Bataille de l'Atlantique

 

 
 


(Historia Magazine n° 53
du 21 novembre 1968)

   

SOMMAIRE

Le sujet étant extrêmement vaste, l'article a été scindé en trois parties séparées que vous pourrez atteindre à l'aide du sommaire ci-dessous

1. La protection des routes maritimes

2. Triomphe des U-boote

3. Histoires d'U-boote (torpillage du Laconia et attaque de Scapa Flow)

4. Annexes (les escorteurs, avions engagé, sonar, chronologie)
 

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PARTIE 1 :

1. La protection des routes maritimes

A la fin de 1942, l'évolution de la stratégie alliée dépendait de l'issue de la longue et difficile bataille « à l'aveuglette » qui opposait, dans l'Atlantique, les sous-marins allemands aux navires d'escorte des convois. Leur incapacité à grouper l'ensemble de leurs forces navales pour cette seule mission gêna constamment les Alliés. Mais lorsque leur victoire se décida, ce fut de façon définitive et avec une étonnante rapidité.

 

Au début de 1941, les difficultés de la bataille de l'Atlantique commençaient à se faire durement sentir. Les lourdes pertes en navires marchands subies en 1940 — les sous-marins allemands avaient coulé à eux seuls 2 186 158 tonnes — avaient été couvertes en partie par la mobilisation de la marine marchande, mais à partir de 1941, il n'y eut plus la moindre possibilité de les compenser de cette façon. A cette époque, la flotte de commerce servait, en effet, au maximum de ses possibilités : de nouvelles pertes ne pouvaient être compensées que par des constructions neuves.


Réunion d'officiers de renseignements du Coastal Command, avant un départ en mission.
  Les années 1941 et 1942 furent les plus critiques de cette lutte à tâtons contre les U-boote, et d'abord en raison de l'augmentation rapide du nombre des sous-marins ennemis, conséquence du plan de fabrication mis en oeuvre par le Reich dès le début de la guerre. Entre le début de 1941 et le milieu de 1943, le chiffre de production des chantiers navals allemands dépassait toujours de loin celui des pertes, de sorte que chaque mois de nouveaux U-boote entraient en service dans l'Atlantique.

Ensuite, le temps mis par les convois pour franchir l'Atlantique favorisait considérablement l'action des sous-marins allemands. Compte tenu des déroutements, du mauvais temps et des retards imprévus, la traversée durait en moyenne une quinzaine de jours. Les convois à destination, ou en provenance, de Freetown mettaient quatre jours de plus. La durée de ces traversées augmentait, ipso facto, le nombre des cibles offertes aux U-boote.

Autre handicap pour les Alliés : le faible rayon d’action des escorteurs Britanniques. Au début de la guerre, l'Amirauté ne pouvait faire escorter les convois que jusqu'à cinq cents milles environ des côtes anglaises; au-delà, les navires marchands étaient livrés à eux-mêmes. L'occupation de l'Islande, après le désastre de juin 1940, et l'installation sur cette île d'un dépôt de carburant permirent d'augmenter le rayon d'action de l'escorte. Mais cette base de ravitaillement n'entra en service qu'au mois d'avril 1941. De son côté, la marine canadienne créant des bases à Terre-Neuve et sur la côte orientale du Canada, les escortes de surface purent s'aventurer plus loin encore sur l'Atlantique. En avril 1941, elles allaient jusqu'au 35e degré ouest, soit un peu plus de la moitié du chemin. Deux mois plus tard, pour la première fois, un convoi traversa l'Atlantique protégé d'un bout à l'autre du voyage. Mais en raison du petit nombre d'escorteurs, il n'y avait en moyenne que deux convois par mois (en 1941). Il fallut attendre l'apparition, en 1942-1943, d'escorteurs à grand rayon d'action, mis en chantier peu avant l'ouverture des hostilités, pour accroître en nombre et en efficacité les forces d'escorte.

 

  Carte de la « brèche » de l’Atlantique  

Pour les Allemands, la bataille de l'Atlantique avait deux objectifs et se divisa en deux phases successives; ils essayèrent d'abord de briser les lignes de communication britanniques, puis, à partir de 1942, les U-boote s'efforcèrent d'empêcher la mise en place en Grande-Bretagne d'une force d'invasion.

Le problème à résoudre pour les Alliés était de colmater au milieu de l'Océan une « brèche » où leurs escorteurs ne pouvaient plus protéger leurs convois. L'occupation de l'Islande en 1940 était un premier pas dans la solution de ce problème, mais on ne put réagir avec efficacité contre les sous-marins allemands qu'à l'apparition des frégates à grand rayon d'action et des porte-avions d'escorte qui accompagnaient les convois de bout en bout. Au printemps de 1943, après l'opération « Torche » et la réussite du débarquement en Afrique du Nord, l'attaque contre les U-boote s'intensifia. La carte ci-dessus montre la façon dont la « brèche » fut bouchée et indique les routes principales des convois ainsi que les bases des sous-marins allemands.

 

Les télétypes de Liverpool

La couverture aérienne était d'ailleurs aussi importante que les navires escorteurs de surface, car l'aviation était l'un des adversaires les plus redoutés des U-boote. Le champ visuel et la rapidité d'attaque des avions étaient nettement supérieurs à ceux des escorteurs : un appareil protégeant un convoi obligeait à plonger tout sous-marin à proximité, le réduisant ainsi à sa faible vitesse d'immersion et à un champ de vision restreint.

Le problème du rayon d'action se posait également pour l'aviation. Le Coastal Command ne disposait pas alors d'avions dotés d'une autonomie suffisante pour couvrir les convois atlantiques sur plus qu'une fraction minime de leur traversée, même en utilisant les bases d'Islande et de Terre-Neuve. De plus, il était hors de question à l'époque d'utiliser des appareils embarqués puisque les quelques porte-avions de la flotte étaient affectés à d'autres missions. Enfin, en 1941, les radars d'avion pour localiser les sous-marins en surface étaient peu au point et les avions n'avaient pas d'arme efficace pour couler un sous-marin.

En 1941 et 1942, les chances demeuraient donc du côté des U-boote. Mais au cours de ces deux années, les Alliés construisaient escorteurs et avions en grand nombre, renouvelaient méthodes d'entraînement et doctrine tactique. Tâche longue et difficile, rendue plus ardue par la prolifération du nombre des U-boote et par leurs nouvelles méthodes d'attaque en meute.

Dès le début de 1941, le Q.G. des Western Approaches fut transféré de Plymouth à Liverpool, et un commandant en chef fut désigné pour s'occuper exclusivement de la lutte anti-sous-marine. A ce nouveau Q.G. vint s'intégrer celui du groupe 15 du Coastal Command, de manière qu'escortes de surface et escortes aériennes fussent dirigées du même P.C. opérationnel. Les positions des convois et des U-boote, suivies à l'Amirauté, étaient transmises par téléphone et par télétype au P.C. opérationnel de Liverpool.

 
Grenadage d’un sous-marin par un garde-côte au large des cotes américaines.

L'amiral sir Percy Noble, nommé commandant en chef des Western Approaches en février 1941, fut peut-être le premier à comprendre que la clé de la victoire, pour cette campagne résidait autant dans l'entraînement du personnel que dans le nombre des escortes disponibles. On créa des centres d'instruction anti-sous-marins à Dunnon et à Campbeltown, des laboratoires expérimentaux à Fairlie et une base d'entraînement en mer à Tobermory, où les escorteurs sortis des chantiers terminaient leurs essais. Pendant un mois, les hommes participaient à des exercices en mer destinés à amariner les équipages, à les habituer aux conditions climatiques de l'Atlantique et à les familiariser avec leur navire.

L'entraînement spécialisé suivait celui à la mer. Ainsi, dès qu'un nouveau bâtiment devenait opérationnel, son équipage était non seulement amariné par son stage à Tobermory, mais possédait les qualifications techniques requises. Ce programme exigeait toutefois du temps et ce ne fut qu'à la fin du premier semestre de 1943 que l'entraînement put être considéré comme satisfaisant. Jusque-là, les besoins impérieux en escorteurs pour l'Atlantique avaient obligé à sacrifier l'entraînement.

L'amiral Noble décida également de réunir les escorteurs en groupes. En dotant chacun de ces groupes de huit bâtiments, on pouvait compter sur un effectif réel de cinq ou six, compte tenu des réparations, des permissions ou de l'entraînement. Ce système présentait un avantage certain : chaque commandant d'escorteur était, en effet, vite familiarisé avec les autres bâtiments ainsi qu'avec les méthodes du commandant de groupe.

 

Condors sur l'Atlantique

Cette organisation et ces dispositions contribuèrent à jeter les bases de la victoire finale dans l'Atlantique. Mais, si la voie était tracée, la suivre jusqu'au bout allait être extrêmement pénible pour la Grande-Bretagne. En 1940 et 1941, il fallut décider des priorités en matière de construction navale entre les besoins de la flotte opérationnelle (porte-avions, croiseurs, contre-torpilleurs et péniches de débarquement) et ceux de la flotte anti-sous-marins (frégates, sloops et corvettes uniquement destinés à un travail d'escorte). Accorder une priorité absolue aux escorteurs était impossible. Dès lors, il n'y avait pas la moindre chance de suivre la cadence de production des U-boote, et moins encore de la dépasser. Deux années et demie fort pénibles devaient s'écouler avant que les groupes d'escorteurs pussent affirmer enfin leur supériorité dans cette gigantesque campagne.

Alors que la Grande-Bretagne se débattait dans les affres de la réorganisation de ses forces anti-sous-marines, ses difficultés de 1941 se trouvèrent encore augmentées par l'installation, sur les côtes de France et de Norvège, d'escadrilles de bombardiers allemands à long rayon d'action. Il s'agissait surtout de Focke-Wulf « Condor » capables d'opérer jusqu'à 1 500 kilomètres des côtes de l'Atlantique. Leur mission était double. Ils devaient, d'abord et avant tout, localiser les convois britanniques pour guider les U-boote, puis couler les navires marchands qui naviguaient seuls ou s'étaient écartés de leurs compagnons. Dans ce second rôle, d'ailleurs, l'aviation joua un rôle qui ne le céda que de peu à celui des sous-marins : en janvier 1941, les U-boote coulèrent 21 bâtiments, représentant 126 782 tonnes, et les bombardiers à long rayon d'action 20, soit 78 571 tonnes. En février : 39 navires (196 783 tonnes) pour les sous-marins contre 27 (89 305 tonnes) pour les bombardiers.

Les Britanniques trouvèrent différentes parades à l'action des Focke-Wulf. Ils dirigeaient, par exemple, les marchands naviguant seuls très loin vers le nord, au-delà du rayon d'action des appareils basés en Norvège et en France, et ils envoyaient des convois sur un itinéraire étroit patrouillé par des chasseurs à grand rayon d'action. Ils accélérèrent l'installation de D.C.A. sur les navires marchands, D.C.A. armée par des matelots et des fusiliers marins. Enfin, ils équipèrent le vieux porte-hydravions Pegasus de catapultes pour assurer, avec des chasseurs embarqués, la couverture antiaérienne du convoi à protéger.

 

On installa des catapultes sur certains bâtiments de commerce et on les dota d'un « Hurricane » pour repousser tout avion ennemi. Sa mission accomplie, le chasseur amerrissait près d'un navire ami, qui repêchait le pilote. Ces diverses méthodes, jointes à la répugnance connue de la Luftwaffe à travailler en étroite liaison avec la Kriegsmarine, finirent par rendre inopérante l'action des bombardiers allemands contre le trafic allié.

En raison du nombre sans cesse accru des convois sur l'Atlantique, le règne des « as » sous-mariniers allemands prit fin. Ceux-ci s'étaient personnellement distingués, au cours de la bataille de l'Atlantique, par le tonnage de navires marchands coulés pendant les dix-huit premiers mois de la guerre, alors que le système des convois n'était pas généralisé et que l'océan était sillonné par de nombreux bâtiments isolés.

 

« Les meutes attaquent la nuit »

Les commandants des U-boote qualifiaient eux-mêmes de « belle époque » ces dix-huit premiers mois de la guerre. En février 1941 les trois « as » les plus célèbres étaient Gunther Prien — qui avait coulé le Royal Oak à Scapa Flow et revendiquait plus de 150000 tonnes — Joachim Schepke et Otto Kretschmer, qui revendiquaient chacun plus de 200000 tonnes. Hitler les avait décorés tous les trois de fi croix de chevalier avec feuilles de chêne e tous leurs camarades sous-mariniers les prenaient en exemple. Mais, en mars, ils furent éliminés de la scène des combats. Le 7, les corvettes Arbutus et Camellia et le destroyer Wolverine coulèrent Prien avec son U-47. Le 17, ce fut au tour de Schepke à bord de l'U-100, victime du Walker et du Vanoc; la nui du même jour, ces deux destroyers envoyèrent par le fond l'U-99 et capturèrent Kretschmer alors qu'il quittait son navire en train de couler.



Illustrations de la puissance des appareils du Coastal Command dans l’Atlantique : Mitraillage et bombardement des U-boote surpris en surface.

     

Mars 1941 vit pratiquement la fin des attaques par U-boote isolés, puisque les navires marchands étaient groupés de plus en plus en convois, et que le rayon d'action des escorteurs croissait dans l'Atlantique. L'extension du « convoyage » par les Britanniques obligea le commandement des sous-marins à adopter une nouvelle tactique ; ce fut l'attaque de nuit par « meutes ».

Rien de bien nouveau là-dedans. L'attaque par meutes était apparue pendant la dernière année de la première guerre mondiale, sans beaucoup de succès du fait de l'insuffisance des transmissions radio, indispensables pour la manoeuvre de la meute. Les Allemands avaient repris cette tactique en 1940 dans l'Atlantique, puis y avaient renoncé car leurs sous-marins, opérant isolément, trouvaient suffisamment de proies faciles. Mais les temps avaient changé, encore que les U-boote isolés eussent connu une seconde « belle époque », du reste fort courte, au début de 1942, après l'entrée en guerre des États-Unis : quelques sous-marins allemands opérèrent le long de la côte est des U.S.A. sur le trafic maritime non protégé. Six mois plus tard, ce trafic fut organisé en convois : les U-boote disparurent.

 

Dans l'attaque par meute un seul sous-marin tenait de jour le contact du convoi repéré ; à la tombée de la nuit, il appelait par radio le reste de la meute. L'action se déroulait alors en surface, car dans l'obscurité, la faible superstructure des U-boote était pratiquement invisible aux navires du convoi. Grâce à sa vitesse de surface élevée et à son invisibilité, le submersible avait tout avantage à attaquer de nuit.

Le système présentait un point faible. Les signaux envoyés par l'U-boot chargé de la tenue du contact pour indiquer la position du convoi, sa vitesse et ses changements de route étaient interceptés par les stations gonio alliées et permettaient à l'Amirauté britannique de fixer la position du sous-marin émetteur.

Malgré tout, la victoire alliée dans l'Atlantique devait encore se faire attendre longtemps. Il y eut, en 1941 et en 1942, des lacunes dans presque tous les domaines de la lutte anti-sous-marins pénurie d'escorteurs, manque de temps pour l'entraînement, insuffisance d'armes appropriées, retard dans les améliorations technologiques indispensables pour affronter les U-boote modernes et leurs nouvelles tactiques. Ce qui manquait le plus, cependant, et de façon chronique, c'étaient les avions à grand rayon d'action. On savait déjà qu'un convoi doté d'une double couverture (aérienne et de surface) était pratiquement invulnérable, mais le problème consistait à trouver une méthode qui permît de disposer d'avions en permanence pendant toute la traversée.

Pour couvrir la zone au milieu de l'Atlantique, que ne pouvait atteindre aucun avion basé à terre, l'Amirauté commanda, en 1941, aux U.S.A., de petits porte-avions d'escorte (coques de liberty ships équipées d'un pont d'envol et d'un hangar). Malgré les méthodes de production américaines, il fallut cependant plus d'un an pour que ces bâtiments devinssent opérationnels. Dans l'intervalle, le Coastal Command ne pouvait compter que sur une escadrille de « Liberator » à très long rayon d'action. A l'origine, cette formation se composait de vingt appareils, mais elle n'en eut bientôt plus qu'une dizaine, en raison tant des pertes subies que d'affectations au Ferry Command et à la B.O.A.C. Toutes les tentatives pour accroître ce nombre, et obtenir pour la bataille de l'Atlantique des bombardiers « Lancaster », eux aussi à grand rayon d'action, demeurèrent infructueuses. Les convois et les escortes de surface durent, en conséquence, combattre les sous-marins sans bénéficier des atouts les plus précieux. Telle qu'elle était, la couverture aérienne existante (jusqu'à 700 milles de l'Irlande du Nord et de l'ouest de l'Écosse, 400 milles de l'Islande et 700 du Canada) laissait un grand vide au centre de l'Atlantique et demeurait intermittente et limitée aux heures diurnes.

 

« Boléro » doit réussir

Il est difficile d'apprécier la gigantesque ampleur de la bataille de l'Atlantique. Cette dernière expression donne d'ailleurs un caractère restrictif à l'ensemble de la lutte, car celle-ci n'eut pas seulement l'Atlantique Nord et Sud comme théâtres. Les sous-marins et les corsaires allemands opéraient aussi sur les grandes routes maritimes vers l'Inde, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, et l'océan Indien fut donc aussi important pour la stratégie globale que l'Atlantique.
Après le début de l'opération « Barberousse » l'océan Arctique était le seul chemin possible pour ravitailler l'U.R.S.S. jusqu'à ce qu'on adoptât un autre itinéraire par le golfe Persique. Protéger navires et convois marchands contre les attaques des U-boote et des corsaires était donc partout nécessaire. Il serait, en fait, plus exact de parler de bataille des océans que de bataille de l'Atlantique.

 

Cette lutte sans merci se déroulait sur plusieurs centaines de milliers de milles parcourus chaque semaine, sur des millions de kilomètres carrés d'océan, ce qui signifie qu'il fallait protéger d'un ennemi qui pouvait agir pratiquement sans être vu ni entendu le millier de navires qui sillonnèrent quotidiennement les mers d'un bout à l'autre de la guerre.
Il est nécessaire de mentionner ici un autre aspect de cette lutte. Dès 1941, les chefs d'état-major établissaient leurs plans pour passer de la défensive à l'offensive. Tous se rendaient compte que, lorsque ce moment viendrait, il faudrait disposer d'une grande armée alliée basée en Grande-Bretagne, avec une gigantesque infrastructure logistique, pour se lancer à l'attaque de l'Europe, en vue de la victoire finale. Le gros de cette armée et l'essentiel de ses moyens ne pouvaient venir que des U.S.A. et du Canada à travers l'Atlantique. La sécurité sur cet océan était donc vitale, et seule une victoire sur les U-boote pouvait la garantir.

En 1941, les pertes en navires marchands furent lourdes. A eux seuls, les sous-marins allemands coulèrent 432 bateaux représentant 2 171 754 tonnes, tandis que les avions revendiquaient, pour leur part, 371 succès soit 1 017 422 tonnes. De leur côté, les corsaires — bâtiments de guerre ou de commerce transformés — envoyèrent par le fond au cours de cette même année 84 navires marchands (428 350 tonnes), tandis que 111 autres (230 842 tonnes) sautaient sur les champs de mines ennemis mouillés à proximité des côtes britanniques. Au total, le chiffre des pertes pour 1941 s'éleva à 1299 bâtiments (4 328 558 tonnes), ce qui dépassait de beaucoup les possibilités de construction alliées. Elles furent plus élevées encore en 1942 : 1 664 bâtiments pour 7 790 697 tonnes.

 

   

   

Navires marchands coulés par des U-boote.

« L'attaque des sous-marins allemands en 1942, écrivit Churchill, constitua le pire de nos soucis. Au vrai, d'ailleurs, les perspectives n'étaient pas aussi sombres sur tous les théâtres d'opérations, sauf peut-être dans le Pacifique. C'était toujours la même histoire : les Alliés, compte tenu de l'ensemble de leurs besoins maritimes, ne purent pas produire un nombre suffisant d'escorteurs et d'avions à grand rayon d'action pour soutenir la cadence de fabrication des sous-marins allemands. L'industrie navale du Reich se consacrait à peu près entièrement aux U-boote, et l'on peut mesurer la rapidité de production de ces bâtiments à l'accroissement constant des submersibles opérationnels. Si l'on défalque les sous-marins employés à l'entraînement des équipages et pour d'autres usages, le nombre des U-boote opérationnels passa de 91, en janvier 1942, à 196, en octobre, pour atteindre 212 à la fin de l'année et, enfin, un maximum de 240 en avril 1943. Et bien qu'en 1942 87 sous-marins allemands soient allés au fond, l'augmentation de la production compensa largement ces pertes.

L'entrée en guerre des États-Unis fit connaître aux capitaines des U-boote leur seconde « belle époque ». Pendant six mois, les U.S.A. se fièrent aux patrouilles aériennes et navales pour prévenir les attaques de sous-marins allemands et ce, malgré l'expérience des Britanniques, qui avait démontré que l'emploi des convois était le seul moyen de limiter les dégâts. L'amiral Doenitz, commandant en chef des sous-marins allemands, en envoya cinq à proximité des eaux américaines, au moment de la déclaration de guerre du Reich aux États-Unis, puis porta peu à peu ce chiffre à vingt et un. En juin 1942, lorsque les Américains se décidèrent enfin à grouper leurs navires en convois, ces U-boote avaient coulé 505 bâtiments. Cet holocauste réjouissait Doenitz : « Nos sous-marins, exultait-il, opèrent si près de la côte des U.S.A. que les baigneurs et parfois même des villes entières du littoral assistent à ces tragédies maritimes, dont l'aspect le plus dramatique est la vue des pétroliers en flammes... »

Doenitz et le haut commandement allemand avaient calculé que, s'ils coulaient 800000 tonnes par mois aux Alliés, la victoire de l'Axe était certaine. Pour 1942, la moyenne mensuelle demeura en réalité inférieure à 650000 tonnes, mais les rapports optimistes des commandants des sous-marins allemands incitèrent Doenitz à croire atteint le chiffre fatidique de 800 000 tonnes. La réalité, bien que plus modeste, n'en paralysait pas moins les Alliés, qui ne pouvaient absolument pas compenser les pertes. Pendant les mois sinistres de 1942, l'idée de perdre la bataille de l'Atlantique et, par suite, la guerre hanta tous les dirigeants alliés.

Outre les pertes considérables de matériel importé, les sous-marins freinaient la concentration, sur le sol britannique, des forces destinées à envahir l'Europe. Cette concentration avait été baptisée, en code, « Boléro » et les plans des chefs d'état-major de Grande-Bretagne et des États-Unis prévoyaient l'arrivée en Grande-Bretagne, fin 1942, de cinq divisions canadiennes et américaines. Or « Boléro » prit un tel retard que moins d'une division était en place au début de 1943 ! La date du débarquement semblait devoir être repoussée à une lointaine échéance. Tous les espoirs et tous les projets dépendaient donc de l'issue de la lutte qui se livrait sur l'Océan.

 

« Hérissons » et « Calmars » contre « U-boote »

En 1942, cependant, les frégates pour la chasse aux submersibles, commandées en 1939 et 1940, commencèrent à sortir des chantiers navals. Ces bâtiments possédaient la vitesse et l'autonomie indispensables dans la bataille de l'Atlantique. Permettre aux escorteurs de chasser les sous-marins jusqu'à leur destruction finale demeurait l'un des problèmes les plus graves posés aux escortes. Si la mission primordiale des navires d'escorte était de protéger les bâtiments marchands, ces derniers, en effet, ne pouvaient mettre en panne sur l'océan tandis que leurs convoyeurs poursuivaient les U-boote. De nombreux sous-marins allemands, localisés par le radar et l'asdic, pouvaient donc continuer le combat, car il était impossible aux escorteurs de poursuivre la chasse jusqu'à destruction. En effet, la sécurité des navires marchands devait toujours primer le reste. La mise en service des frégates apporta enfin la réponse à ce problème. L'augmentation du nombre de ces bâtiments permit à l'amiral Noble de constituer des groupes de soutien destinés à participer à la défense d'un convoi menacé par une meute. Tandis que l'escorte normale continuerait d'avancer et d'assurer l'indispensable défense rapprochée du convoi, le groupe de soutien poursuivrait aussi longtemps que nécessaire tout sous-marin détecté.

Presque en même temps que les frégates apparurent de nouvelles armes lançant des grenades sous-marines vers l'avant. Il y eut d'abord le Hedgehog (hérisson), mortier à canons multiples qui lançait vingt-quatre charges explosives, puis le Squid (calmar), qui lançait trois grenades sous-marines à grande puissance à la fois. L'ancienne méthode d'attaque, qui consistait à larguer des grenades par l'arrière, présentait un inconvénient grave : le contact asdic avec le sous-marin allemand était perdu pendant la poursuite et les étapes finales de l'attaque devaient se faire à tâtons. Les armes nouvelles permettaient au contraire de garder de bout en bout le contact asdic jusqu'au moment de l'explosion de la grenade sous-marine.

 


U-boot a la recherche de sa proie en Atlantique Nord.

A la fin de l'été 1942, l'A venger, premier des nouveaux petits porte-avions d'escorte commandés aux États-Unis l'année précédente, entra en service. Six mois plus tard, la flotte en comptait six de plus. Ces bâtiments allaient résoudre le problème, leurs appareils bouchant les « brèches » de l'Atlantique qui se trouvaient encore au-delà du rayon d'action des avions basés sur la côte. C'était en effet dans ces « brèches » — au coeur de l'Atlantique, au large de la côte septentrionale du Brésil et aux abords de la bosse de l'Afrique — que les U-boote se groupaient et continuaient à trouver des convois dépourvus de protection aérienne. Dans ces zones, les attaques d'une meute comportaient tant de sous-marins qu'elles submergeaient les escortes de surface et assuraient une riche moisson.

A la fin de l'automne 1942, tout était donc prêt pour passer à l'offensive dans l'Atlantique. Avec les groupes de soutien pour renforcer l'escorte de surface des convois menacés, avec les avions embarqués pour fournir la couverture aérienne indispensable au-dessus des « brèches » de l'Atlantique, avec les nouvelles armes qui permettaient de garder le contact asdic jusqu'au dernier moment, la victoire parut changer de camp. En novembre 1942, l'amiral sir Max Horton arriva à Liverpool pour prendre le poste de commandant en chef. C'était un homme de grande valeur, connaissant à fond la guerre sous-marine. De l'amiral Noble, il héritait une organisation déjà excellente et un commandement dont les forces augmentaient jour après jour, grâce à la sortie des chantiers des nouveaux bâtiments commandés en 1940 et 1941.

 

Désastre maritime

Il faut mentionner un autre aspect de cette bataille de l'Atlantique. Une partie des difficultés des Alliés en 1942, conduisant à leurs énormes pertes maritimes, résultait du retrait par les Américains, en juin, des forces de protection du trafic dans l'Atlantique. Ces navires étaient indispensables ailleurs, d'une part pour le Pacifique et, d'autre part, pour escorter les convois destinés aux débarquements de novembre 1942 en Afrique du Nord.

A la fin de l'année, 50 % des forces d'escorte en Atlantique étaient fournies par la Grande-Bretagne, 48 % par le Canada et 2 % par les États-Unis. Début 1943, au cours d'une conférence à Washington, les États-Unis déclarèrent qu'ils devaient cesser de participer à la protection des convois atlantiques. Cette nouvelle arrivait à un moment critique où la bataille touchait à son point culminant et où les forces britanniques et canadiennes devaient fournir un terrible effort.

Alors que les forces d'escorte se trouvaient, à la fin de l'automne de 1942, prêtes à passer à l'offensive contre les U-boote, un nouveau coup frappa le Western Approaches Command. L'opération « Torche c'est-à-dire l'invasion de l'Afrique du Nord française, survint en novembre, et l'on détacha, pour assurer la protection du corps expéditionnaire, les porte-avions d'escorte et les groupes de soutien récemment constitués. Cette campagne allait se prolonger jusqu'en mai 1943 et, jusqu'à fin mars, les escorteurs des convois atlantiques durent continuer de se battre sans couverture aérienne au-dessus des trois « brèches « déjà citées et sans groupe de soutien pour les aider pendant les violentes batailles qui faisaient rage autour des convois.

 

   

 

Navires marchands coulés par des U-boote.

Avec la nouvelle année, les pertes ne varièrent que très légèrement par rapport à celles de 1942. En janvier, le temps épouvantable sur l'Atlantique gêna les U-boote, qui ne purent couler que 203 000 tonnes. En février, le total s'éleva à 359000 tonnes et en mars il rattrapa les chiffres de 1942 avec 627 000 tonnes. C'est alors que les Américains annoncèrent à Washington leur décision de retirer complètement leurs escorteurs de l'Atlantique.

Ce fut, du reste, pendant cette conférence que se déroula l'un des plus grands désastres maritimes de toute la guerre. Deux convois partis de Halifax faisaient route vers la Grande-Bretagne ; l'un, rapide, composé de 25 navires, et l'autre, lent, de 52. Un U-boot repéra le premier dès le début du voyage et, bientôt, une « meute de 8 sous-marins se trouva au contact. Dans les trois jours et les trois nuits qui suivirent, ces submersibles coulèrent 12 bâtiments. A une centaine de milles devant, le convoi lent fut à son tour détecté et 12 sous-marins se ruèrent sur lui. Lorsque les deux convois se rapprochèrent, les deux « meutes d'U-boote se fondirent en une seule. Les escortes furent surclassées et l'affaire se solda par la perte de 21 navires, soit 141 000 tonnes.

En contrepartie, un seul U-boot fut coulé. C'était là un grave revers, et d'autant plus significatif que quelques lueurs d'espoir commençaient alors à éclairer l'horizon des Alliés.

 

 

Le calice jusqu'à la lie

En mars 1943, il était clair que la bataille de l'Atlantique touchait à son point culminant et que, dans les trois ou quatre mois suivants, la partie serait perdue pour l'un ou l'autre des adversaires. L'amiral Doenitz fit un ultime effort et, sur ses 240 submersibles opérationnels, il n'en concentra pas moins de 112 dans l'Atlantique Nord. Exaltés par le succès et possédant une expérience considérable, les commandants des U-boote pouvaient, en raison de la nature même de la guerre sous-marine, imposer les conditions de la bataille. Presque sans exception, les « meutes » se rassemblaient dans les régions hors d'atteinte de la couverture aérienne alliée, où elles récoltaient la quasi-totalité de leur moisson.

Fin mars, arrivèrent dans l'Atlantique les porte-avions d'escorte, enfin libérés de l'opération « Torche », ainsi que les groupes de soutien : les moyens de poursuivre les U-boote, une fois détectés, jusqu'à destruction totale se trouvaient donc réunis: Presque en même temps, deux autres faits vinrent modifier le cours de la bataille. Le président Roosevelt intervint dans la répartition des avions « Liberator » à très grand rayon d'action livrés par les U.S.A. A la fin de mars, vingt appareils de ce type opéraient dans l'Atlantique Nord ; à la mi-avril, ils étaient quarante et un. Cet effectif, trop faible encore pour couvrir les besoins indispensables, laissait toutefois bien augurer de l'avenir.

Les savants, de leur côté, mirent au point un radar à ondes très courtes capable de détecter les plus petits objets en mer et contre lequel était impuissant le système de contre-radar des U-boote. Fin 1942 et début 1943, de nombreux escorteurs furent équipés de ces radars à ondes centimétriques. Ils furent donc en mesure de situer avec une plus grande précision les sous-marins allemands sans que ceux-ci pussent s'en apercevoir. Les avions du Coastal Command bénéficièrent également — mais un peu plus tard — de ce nouvel appareil.

Au début de mai se déroula une autre bataille qui fournit la première occasion d'éprouver la valeur des groupes de soutien et de la couverture aérienne continue. Un convoi vers l'Amérique fut retardé et en partie dispersé par une violente tempête au sud du Groenland, où se trouvait une forte concentration de sous-marins. Une meute de douze submersibles allemands se concentra autour du convoi. C'était là le genre de situation pour lequel avaient été créés les groupes de soutien ; deux de ces formations quittèrent Saint-John, en Nouvelle-Écosse, à la rencontre du convoi. Les navires furent retardés par la tempête et les sous-marins allemands coulèrent cinq d'entre eux au cours d'attaques de nuit, puis quatre autres le lendemain. L'un des escorteurs, la corvette Pink, attaqua et coula l'U-192.

Mais, le soir même, les deux groupes de soutien rallièrent le convoi, et, pour la première fois, les U-boote sentirent tout le poids des nouvelles contre-mesures alliées. Tandis que le convoi se reformait après la tempête, les U-boote revinrent à l'attaque, mais ils furent tous détectés et repoussés avant d'avoir pu causer le moindre dommage aux navires marchands. Le Loosestrife repéra et détruisit l'U-638; le destroyer Vidette suivit l'U-125 à l'asdic et le coula au « hérisson »; l'Oribi éperonna et coula l'U-531, et le sloop Pelican repéra l'U-438 et l'envoya par le fond. L'aviation, qui opérait au-dessus du convoi, inscrivit de son côté deux sous-marins au tableau de chasse : l'U-710, détruit par un appareil du Coastal Command, et l'U-630, par un avion de la Royal Canadian Air Force. Mais les U-boote n'avaient pas encore bu le calice jusqu'à la lie : les U-659 et U-439 devaient .s'aborder dans l'obscurité et s'abîmer dans les flots.

C'était là une sévère défaite pour les U-boote, mais une défaite, dans une campagne, n'implique pas nécessairement la victoire de l'autre parti. Le sort des autres convois devait néanmoins prouver qu'il ne s'agissait pas d'un feu de paille. Le convoi rapide suivant perdit trois navires, mais l'ennemi paya ce « succès » de trois sous-marins. Le convoi lent qui passait en même temps eut deux bâtiments coulés contre deux U-boote, tandis que d'autres submersibles de la meute subissaient de sérieux dommages. Pour les deux convois suivants, les résultats furent plus remarquables encore : ils atteignirent tous les deux la Grande-Bretagne sans avoir éprouvé la moindre perte, mais en laissant derrière eux un certain nombre de victimes : les U-954, U-258, U-209, U-273 et U-381 pour le convoi lent, et l'U-752 pour le convoi rapide.

 

 

  L’amiral Karl Doenitz (1891-1980)
Amiral allemand, organisateur de la flotte sous-marine et successeur d'Hitler.

Il servit comme officier sous-marinier pendant la Première Guerre mondiale, puis, après l'arrivée au pouvoir d'Hitler, supervisa la création d'une nouvelle flotte de sous-marins, malgré les clauses du traité de Versailles, qui interdisaient à l'Allemagne d'en posséder. Nommé commandant de la flotte, en 1936, il organisa l'offensive contre la Grande-Bretagne, faisant subir de lourdes pertes à la marine anglaise. Ses succès lui valurent de remplacer l'amiral Raeder au commandement en chef de la marine allemande en janvier 1943.

À la fin de la guerre, il devint commandant militaire et civil de la zone Nord. En avril 1945, Hitler le désigna dans son dernier testament politique comme son successeur, président du Reich, ministre de la Guerre et commandant suprême. Doenitz entra en fonction le 2 mai 1945 et tenta de mettre en oeuvre un plan de paix avec les Alliés, mais il dut accepter, le 7 mai, une reddition sans condition. Le tribunal de Nuremberg le condamna à dix ans d'emprisonnement.

 

 

Avions contre sous-marins

Les statistiques globales d'avril à juillet furent plus significatives encore. En avril, alors que le nouveau système combinant escorte de surface et couverture aérienne n'en était qu'à ses débuts, les U-boote coulèrent 245 000 tonnes mais perdirent quinze des leurs. Ensuite, les chiffres ne cessèrent de parler en faveur des Alliés : en mai, 165000 tonnes coulées pour 40 submersibles perdus; en juin, 18000 pour 17, et 123000 pour 37 en juillet.

Ces chiffres ne reflètent d'ailleurs qu'imparfaitement la physionomie d'ensemble de la situation dans l'Atlantique car le Coastal Command menait une offensive distincte sur les principales zones de passage des sous-marins en direction et en provenance de l'Atlantique. Avec l'utilisation du nouveau radar centimétrique, des grenades sous-marines réglées à très faible profondeur et des projecteurs qui éclairaient les U-boote détectés de nuit, le Coastal Command détruisit treize autres sous-marins en avril et en mai, en exploitant au maximum une erreur tactique de l'amiral Doenitz. Celui-ci avait, en effet, ordonné à ses submersibles de gagner leurs secteurs d'opérations et d'en revenir en surface, en tenant tête aux avions qui les attaqueraient. Avec ces armes nouvelles, leurs chances de s'en tirer étaient minces.

Devant ces pertes, rien d'étonnant à ce que le moral des sous-mariniers allemands en ait été sérieusement affecté. La fortune avait changé de camp. A partir du début de l'offensive contre les U-boote, alors à l'apogée de leur puissance et de leurs victoires, cinq semaines avaient suffi pour les contraindre à opérer dans des eaux plus clémentes. Au cours des trois mois qui suivirent les batailles décisives de mai, aucun sous-marin allemand ne se manifesta dans l'Atlantique, et quand ils reparurent, en bien plus petit nombre d'ailleurs, leurs commandants avaient perdu de leur esprit offensif.

On pourrait attribuer la victoire dans la bataille de l'Atlantique aux groupes de soutien anti-sous-marins, à la couverture aérienne permanente des convois, au radar centimétrique, aux armes techniques nouvelles, comme aussi au rôle joué par le service de dépistage des U-boote de l'Amirauté britannique. Mais la victoire résultait aussi et surtout de l'adresse et de l'endurance des équipages des escorteurs et des navires marchands, de leur refus d'admettre la défaite dans les années sombres (1941 et 1942) et du courage avec lequel ils revenaient sur cet immense champ de bataille alors que toutes les chances étaient contre eux. Au cours des siècles, la marine britannique s'est enorgueillie du succès d'admirables combats, mais rien ne peut être comparé à cette bataille longue, dure, aveugle, menée sur les océans.

Du point de vue de la stratégie européenne, on avait toujours considéré les victoires de l'Atlantique comme le préalable indispensable à la victoire finale. Au moment où les armées allemandes envahissaient la plus grande partie de l'Europe — en 1940 et 1941 —, ce fut la maîtrise de la mer détenue par les Britanniques, leurs dominions et les Alliés qui possédaient une marine qui constitua le seul obstacle dressé entre l'Axe et la domination du monde. La puissance navale isola l'Allemagne et l'Italie et les empêcha de se ravitailler au-delà des océans. La campagne des sous-marins allemands était le seul moyen pour l'Axe de forcer le blocus. A quel point elle fut près d'y parvenir, les chiffres des pertes alliées de 1941, 1942 et des trois premiers mois de 1943 suffisent à le montrer. Mais, après la victoire de mai 1943, non seulement le blocus demeurait intact, mais il allait se resserrer au point d'interdire tout trafic maritime dans les eaux territoriales allemandes.

Une fois la bataille de l'Atlantique gagnée, un flot incessant de convois, admirablement protégés et pratiquement à l'abri des pertes, apporta en Grande-Bretagne les troupes, les canons, les chars et tout le matériel nécessaire à l'attaque directe (en 1944) de la « forteresse Europe ». Maintenant que la voie était ouverte, tout le déroulement de la future campagne apparaissait clair et inévitable. En Grande-Bretagne, en Afrique du Nord, en U.R.S.S., à Malte, des quantités sans cesse plus grandes d'hommes, d'armes et de matériel se déversèrent et s'assemblèrent en vue de l'assaut final. Tout voyageait par mer et l'arrivée à destination de chaque convoi annonçait avec éloquence l'offensive prévue. Les victoires désormais inscrites dans le futur, ces victoires qui permettraient aux armées et aux forces aériennes alliées d'anéantir la résistance de l'ennemi, résulteraient toutes, en dernière analyse, de l'ouverture des voies maritimes à travers le monde.
Une fois de plus l'histoire recommençait car dans toute guerre, la victoire sur mer précéda toujours la victoire sur terre. Au milieu de 1943, la première était acquise et les marines alliées avaient accompli l'essentiel de leur mission. C'était à présent aux forces terrestres et à l'aviation d'en finir avec l'ennemi.

 

 

 

 

suite dans l'article :

Triomphe des "U-Boote"

 

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